dimanche 28 mars 2010

Gestion stratégique : la 3ème dimension

Une entreprise revêt à la fois 3 formes différentes : c'est une entité de transformation de matières premières, une organisation humaine qui doit être régulée et aussi, un espace politique où s'expriment des débats, des idées et des logiques différentes. J'ai retrouvé cette semaine une vieille analyse (elle date de 1981) de Raymond-Alain Thietart qui n'en reste pas moins d'actualité. Dans cette étude intitulée "La stratégie mixte et ses syndromes" [Harvard-l'Expansion, automne 1981, p 46 à 56], l'auteur analyse les 3 dimensions de la gestion stratégique : la dimension économique, la dimension organisationnelle et la dimension politique et surtout, il analyse les syndromes ou dysfonctionnements engendrés par une trop forte focalisation sur deux voire une seule dimension au détriment de la troisième.

L'espace à 3 dimensions de la gestion stratégique est ainsi caractérisé par 8 points - les sommets d'un cube - qui correspondent à des syndromes typiques et des fonctionnements différents pour l'entreprise. A titre d'exemple, si seule la dimension organisationnelle est prise en compte, le dysfonctionnement est qualifié de "bureaucratique". Si seule la dimension économique est privilégiée, il s'agit d'un dysfonctionnement "technocratique" etc... Bien sûr, l'objectif est de prendre en compte de façon équilibrée les 3 dimensions.

La crise a eu pour vertu de focaliser les entreprises sur les dimensions économique et organisationnelle, dans un objectif de recherche d'efficacité. Cela a permis aux cabinets de conseil de mener - et de continuer à mener - de nombreuses missions de maîtrise des coûts (méthodes ABC, TCO, EVA, chaîne de valeur etc...) et des missions de refonte de processus (méthodes BPR, Lean, Six Sigma etc...).

La question est de savoir si cette focalisation ne s'est pas faite au détriment de la dimension politique. Ce syndrome dans l'analyse de R.A. Thietart est appelé "Mécanique aveugle", il fait référence aux principes des organisations tayloriennes.

En tant que consultant, je dirais que si les chantiers économiques et organisationnelles ont été menés dans le cadre d'un programme global d'entreprise, la dimension politique a forcément été prise en compte dans la préparation des différents chantiers : constitution des groupes de travail, remontée et échanges des meilleures pratiques, libre diffusion des idées et des sachants au sein de l'entreprise etc...

Si par contre, les dimensions économiques et organisationnelles n'ont été prises en compte qu'à travers de petites projets déconnectés les uns des autres, sans vue d'ensemble ; il y a fort à parier que la dimension politique a été délaissée dans la gestion stratégique choisie par l'entreprise.

Comment reprendre en main très rapidement la dimension politique ?
Il s'agit d'enclencher très rapidement un processus de visioning. Dans ce processus, le leader partage avec un groupe de collaborateurs clés l'élaboration d'un cadre stratégique qui "donnera le ton" et incitera au travail collectif le reste de l'entreprise. Le débat d'idées est alors relancé autour de la construction d'un objectif stratégique commun et d'une ambition partagée par chacun pour l'entreprise.

Le leader incarne alors le rêve collectif : il injecte les idées de départ, témoigne du souhait d'évolution, installe le processus de discussion, consolide la vision partagée puis la communique, la communique et... la communique.

Inutile de dire que le processus de visioning est complexe à mettre en œuvre, surtout la première fois. Sans doute une opportunité pour les cabinets de conseil spécialisés.

samedi 20 mars 2010

Cabinet de conseil au sein des SSII : le temps des dilemmes

L'année 2009 a été très difficile pour les cabinets de conseil. Décroissance de l'activité, dégradation de la rentabilité, réduction des effectifs etc. En ces temps où l'on commence à espérer une reprise des prestations de conseil et ce, dans de nombreux secteurs : public, banque, assurance, énergie et utilities ; beaucoup de SSII détenant une activité de consulting vont être confrontées à un dilemme. C'est un dilemme classique de sortie de crise : faut-il réinvestir ou au contraire désinvestir dans les activités de consulting qui, pour certains acteurs, se sont vidées de beaucoup de leur substance ?

Bien sûr, ce dilemme ne se pose pas pour les grosses SSII de plus de 5,000 personnes. D'abord parce que le Business Consulting reste le plus sûr moyen de se positionner en amont des très gros chantiers de transformation. Mais surtout, parce que la part du Business Consulting dans leurs activités contribue à rehausser la valorisation de leur entreprise. La part du CA Consulting dans le CA global de la SSII permet en effet aux analystes financiers d'apprécier la capacité de l'entreprise à améliorer encore sa valeur ajoutée à moyen terme. Avoir de grosses activités de conseil permet, en période de croissance, d'améliorer leurs cours de bourse. Ces acteurs devraient donc normalement continuer d'investir et de développer leurs activités de conseil.

Pour les plus petits acteurs informatiques (moins de 3,000 personnes), renflouer ces activités de consulting sera par contre problématique. C'est un marché fondé sur la compétence et l'intuitu personae plus que sur des offres packagées et disponibles sur étagère. Le facteur humain est prépondérant. Attirer les équipes requises prendra du temps et, faute de taille critique, ces activités de conseil en management ne permettront pas à ces SSII de faire la différence. Maintenir de trop petites équipes de consultants n'aura malheureusement que peu d'effet sur la valorisation de l'entreprise. Il est donc fort probable que nous assistions cette année à plusieurs désinvestissements de la part des petites SSII qui vont se recentrer sur leur métier de base, quitte à y revenir... dans quelques années.

samedi 13 mars 2010

Business Consulting & IT Consulting : quels défis pour 2010 ?

Toutes les grandes firmes de conseil se doivent de proposer à leurs clients des offres de Business Consulting (grands projets de transformation, réorganisation et conduite du changement) et d'IT Consulting (Urbanisme des SI, Sécurité informatique et assistance à la refonte du SI). Ces activités sont bien évidemment complémentaires tant il est vrai que toute décision stratégique est retranscrite très rapidement dans le SI.

Les délais de retranscription des nouvelles orientations stratégiques dans le SI se doivent d'être de plus en plus courts. On assiste même à des aller-retours entre technologie et stratégie, des opportunités nouvelles rendues possibles par la première alimentant la seconde. Bref, un des défis pour les grands cabinets va être dans les prochaines années de gérer Business Consulting et IT Consulting non plus, comme deux offres à proposer successivement à leurs clients mais plutôt comme deux offres à proposer simultanément.

Le jeu en vaut largement la chandelle car les opportunités de business à venir sont nombreuses. La première sera, sans nul doute, celle du cloud computing. Pour stimuler l'industrie sur ce sujet considéré par le gouvernement français comme "un enjeu absolument majeur" [discours de François Fillon du 18/01/2010], le grand emprunt a prévu d'allouer pas moins de 700 millions d'euros au cloud computing.

Les grands acteurs de l'industrie informatique vont mettre en avant leurs solutions censées apporter une plus grande flexibilité aux entreprises en matière d'exploitation de leur SI. Est-ce que cela sera suffisant ?

A mon sens, ceux qui parviendront à dominer ce marché auront des offres de Business Consulting [BC] et d'IT Consulting [ITC] imbriquées pour proposer d'emblée aux entreprises :

1> d'analyser les coûts de leurs services informatiques utilisés pour les aider dans la décision "make or buy". Pour ce faire, il s'agira d'utiliser des méthodologies standards de BC comme l'Activity-Based Costing

2> sur ces bases économiques, il s'agira ensuite de spécifier les services qu'il aura été décidé d'externaliser dans les "nuages". Mission classique d'ITC.

3> pour chacun de ces services, des missions ITC permettront de résoudre les problématiques de sécurité et d'architecture réseaux.

4> ensuite viendra l'analyse des impacts RH et la préparation de la conduite du changement : missions classiques de BC

5> le tout sera consolidé dans un plan de déploiement qui devra être suivi par des experts métiers [BC] et techniques [ITC].

La capacité des grandes firmes à combiner intimement le Business Consulting et l'IT Consulting va devenir un enjeu de différenciation concurrentielle.
Le Cloud computing n'en est qu'un des tout premiers exemples.

samedi 6 mars 2010

Consulting : où est l'innovation ?

J'ai récemment parcouru une étude sur les achats de prestation de conseil. L'auteur y regrettait le système de référencement des grands comptes qui, selon lui, ne permettait pas aux petits cabinets de travailler pour ce type de clients. En fait, l'étude sous-entendait que ces clients se privaient de la créativité et de la capacité d'innovation des petits cabinets, laboratoires à innovations.

A quelques exceptions près, l'innovation est rarement présente au sein des petits cabinets. Ou alors il s'agit de toutes petites structures pilotées par des enseignants-chercheurs : leurs missions ne sont pas l'activité principale de ces structures, ce sont plutôt des "alibis", des sources d'information - ou plutôt d'inspiration - pour les thèses universitaires et les ouvrages de management qui y sont produits. Pour le reste, quand on parle de petits cabinets de conseil classiques, à "vocation commerciale", leur capacité d'investissement est trop faible pour se consacrer à l'innovation. Ils proposent une expertise sur un secteur d'activité ou une méthodologie pré-existante mais pas d'éléments véritablement innovants.

Est-ce que l'innovation est alors plutôt développée par les grosses firmes de conseil ? En théorie, la capacité d'investissement y est meilleure mais là encore, sauf quelques exceptions, la créativité est décevante. Les investissements sont plutôt consacrés à des formations Six Sigma ou Lean Management et autres standards méthodologiques mondiaux. La raison en est simple, seul ce type d'investissement permet de se positionner sur les très gros projets de transformation. Pour tout autre investissement, le pay back est trop lointain.

Dans quelles mesures alors les cabinets de conseil peuvent-ils encore être innovants dans les prestations qu'ils délivrent à leurs clients ? Selon moi, en participant à des groupes de travail, des comités scientifiques en liaison avec des universités et des instituts de recherche. A l'instar de ce qui a pu être fait avec CMMi pour l'informatique et eSCM pour la fonction Achats. Encore faut-il bien veiller et entretenir la qualité des liens tissés avec le milieu de la recherche : implication de consultants dans les cursus de formation, accueil de thésards et de stagiaires dans les cabinets, articles et études co-produits etc.